Mardi 24 septembre, Verre & Protections Mag a été convié à une réunion au ministère de la Transition Énergétique. L'objet de cette réunion : en amont de la présentation du Projet de loi de finances (PLF) 2020 qui transformera le Crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE), les ministères de la Transition écologique et solidaire et de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargé de la Ville et du Logement, ont présenté les objectifs que se fixe le gouvernement en matière de rénovation énergétique et expliqué les nouveaux dispositifs qui seront mis en place.
Voici la version "officielle” de la refondation des aides à la rénovation énergétique des logements.

Le CITE a vécu, vive la Prime (anonyme pour l’instant) !

A compter du 1er janvier 2020, le CITE et les primes Anah « Habiter Mieux Agilité » sont fusionnées en une seule prime qui sera concentrée sur les ménages modestes.
Quatre conseillers auprès d’Emmanuelle Wargon, d’Elisabeth Bordes et de Julien Denormandie ont réuni la presse Mardi 24 septembre en fin de matinée pour présenter une profonde réforme des aides en faveur de la rénovation. En voici le détail. Concentrez-vous, c’est complexe. Il a fallu que MM. Jack Azoulay, Directeur de Cabinet d’Emmanuel Wargon, Thomas Welsch, Conseiller auprès de Julien Denormandie, David Philot, Directeur de Cabinet de Julien Denormandie et Nicolas Classet, conseiller auprès d’Elisabeth Bordes, accompagnés d’Olivier David, chef du Service climat et efficacité énergétique da la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), s’y reprennent à plusieurs fois, tant ils semblaient avancer des informations différentes d’une phrase à l’autre de leur présentation.

Pourquoi réformer ?

Le gouvernement, disent-ils, a fait de la réduction des consommations d’énergie du secteur du bâtiment, une priorité de la seconde partie du quinquennat. En ce qui concerne la construction neuve, le moyen sera la règlementation RE 2020, avec comme but la neutralité carbone des bâtiments neufs dès l’an prochain a dit Jack Azoulay, mais ce n’était pas le moment d’en parler. C’est dommage, tant le but affiché – neutralité carbone de la construction neuve dès l’an prochain – suscite de nombreuses questions. Patience, patience, nous aurons l’occasion d’y revenir en détail. Quoiqu’il en soit, le but est la neutralité carbone du secteur du logement – neuf et existant – en 2050. Or, souligne Jack Azoulay, 70% du parc bâti de 2050 est déjà construit aujourd’hui. L’effort principal doit donc porter sur la rénovation du parc existant. Pourtant, malgré les aides existantes, le rythme annuel des rénovations est insuffisant. Aujourd’hui, précise Thomas Welsch, on compte environ 360 000 rénovations par an. C’est insuffisant, il faudrait passer à 500 000, voire 600 000 par an pour atteindre le but fixé en 2050. Pourquoi les aides sont-elles inefficaces ? On ne sait pas trop, enfin, on a des idées, mais en plus on ne connaît pas avec précision le nombre de rénovations énergétiques annuelles. Pour être sûr, le Gouvernement vient d’ailleurs de créer l’Observatoire de la Rénovation Energétique, dont la direction est confiée à Thomas Lesueur, par ailleurs commissaire général au développement durable. Bon, donc sans attendre le verdict de ce nouvel observatoire, le gouvernement propose une réforme des aides, dans le but de les rendre « plus simples, plus justes et plus efficaces ». Et ils auraient aimé le dire en cœur, mais n’ont pas osé.

Les CEE sont efficaces et, surtout, ce n’est pas de l’argent public

Aujourd’hui, l’Etat dispose de trois instruments principaux. Le premier est constitué par les CEE ou Certificats d’Economie d’Energie. La loi POPE du 13 juillets 2005 a en effet créé des « Obligés »: tous les distributeurs d’énergie – gaz, électricité, GPL, fioul, carburant, etc – depuis EDF et ses concurrents jusqu’aux Centres Leclerc qui vendent de l’essence, en passant par tous les marchands de fioul, de gaz en réseau, de gaz en citerne, ... On compte environ 1350 Obligés en France. La loi les oblige à aider leurs clients à réaliser des économies d’énergie, fixe l’objectif global à atteindre par période de 4 ans et le ventile entre tous les obligés. La loi POPE a créé le mécanisme des CEE pour aider les Obligés à choisir les actions d’économies d’énergie les plus efficaces. Elles sont codifiées dans les « Fiches d’Opérations Standardisées » qui décrivent les actions en logement, tertiaire, agriculture et industrie et affecte à chacune une valeur d’économie d’énergie exprimée en kWhcumac (cumulés actualisés). Il existe 193 fiches standardisées*. Depuis juillet 2018, nous sommes dans la 4ème période de 4 ans qui court jusqu’en 2020. Ce mécanisme des CEE est constitué d’argent privé, dont l’Etat oriente l’emploi vers des actions efficaces. En 2018, le montant des travaux associés au CEE a représenté 3 à 4 milliards d’Euros, dont 1,8 Md€ ont été consacré à des actions en rénovation de logements : isolation des combles, pose d’une régulation-programmation sur un générateur existant, isolation d’un réseau hydraulique de chauffage, … Le mécanisme des CEE est considéré à la fois comme vertueux et efficace.

Aides de l'Anah « Habiter mieux » et CITE sont fusionnés

Les deux autres instruments financiers en faveur de la rénovation énergétique des logements sont les aides de l'Anah et le CITE (Crédit d’Impôt pour la Transition Energétique). Les aides de l'Anah se répartissent principalement en deux programmes : « Habiter Mieux Agilité » qui finance des travaux simples et « Habiter Mieux Sérénité » pour des travaux de rénovation globale. Les aides de l’Anah sont octroyées sous conditions de ressources. Le CITE, quant à lui, est disponible pour tous les ménages et, dans la limite de plafonds, rembourse 30% du coûts des travaux sous forme d’un crédit d’impôt versé l’année suivant la fin des travaux. Selon nos interlocuteurs lors de cette conférence de presse, bien que le CITE soit cumulable avec les aides de l'Anah, seulement 30% des ménages qui bénéficient de l’aide de l’Anah pensent à demander un CITE. Diagnostic : c’est trop compliqué et il faut simplifier. Donc, dès le 1er janvier 2020, un nouveau régime entrera en vigueur. Il sera décrit par la Loi de Finances 2020. Ce qui suggère immédiatement que tout ce que nous vous racontons ici, peut-être modifié par des amendements au cours des débats sur la Loi de Finances. Deux grands changements sont introduits. Tout d’abord, l’aide sera forfaitaire et non-plus proportionnelle au montant des travaux. "Ce qui devrait éviter le phénomène récurrent des hausses de prix pratiquées par les entreprises", affirment les conseillers ministériels (les entreprises apprécieront!). Jack Azoulay a confirmé que les Pouvoirs Publics observaient ainsi une hausse des prix des installations de pompes à chaleur air/eau depuis quelques mois. Cette prime, pour l’instant sans nom de baptême, sera versée en une seule fois à la fin des travaux. Ensuite, un menu de « gestes efficaces » sera dévoilé. Il a été établi à la suite d’une étude menée par l’Ademe et le CSTB. Il débouchera sur un tableau mettant en rapport chaque geste efficace et le montant de la prime à laquelle il donne droit, en fonction des conditions de ressources des ménages bénéficiaires. Si l’on divise les ménages français en déciles en fonction de leurs revenus, le but est d’exclure du bénéfice de cette nouvelle prime, les deux déciles les plus aisés. Les montants de revenus correspondants ne sont pas encore connus, ils figureront dans un nouveau barème contenu dans la Loi de Finances. Et la liste des « gestes efficaces » ? Ils ne sont pas dévoilés non-plus, peut-être le 25 septembre.

Encore beaucoup d’incertitudes

Ce que nous voulions comprendre, nous les journalistes, c’est dans quelle mesure l’Etat accentue son effort financier pour la rénovation ou continue son désengagement. Ça n’a pas été simple. En 2020, 800 millions d’Euros seront consacrés à la nouvelle prime, fusion du CITE et du programme « Habiter Mieux Agilité ». 650 millions d’Euros seront investis dans le programme Anah « Habiter Mieux Sérénité », tandis que le prêt ecoPTZ coûtera à l’Etat 50 millions d’Euros pour la bonification du taux (écart entre le taux zéro du prêt et les taux du marché) pour environ 600 millions d’Euros prêtés. De plus, le nouveau programme d’aide fiscale à la rénovation et à la location, baptisé Dispositif Denormandie – aucun des ministres du logement successif n’a résisté à la tentation d’attacher son nom à un programme de soutien fiscal au logement – coût environ 90 millions d’Euros en année pleine. Tout cela mis bout à bout et en ajoutant le montant des CEE consacrés à la rénovation des logements, atteint un montant de 3 milliards d’Euros.

2020, année de transition

Le gouvernement indique 3,5 milliards d’Euros, c’est qu’il escompte une augmentation de la contribution des CEE. L’effort financier de l’Etat est un peu en retrait – 800 millions pour CITE + prime Anah « Habiter Mieux Agilité » en 2020, contre 1,1 milliard en 2017. La contribution des CEE augmente. Et surtout, les Pouvoirs publics escomptent que la simplification des aides encouragera plus de ménages très modestes et modestes – au sens de l'Anah, cette fois-ci – à se lancer dans des travaux. L’année 2020 verra la mise en place progressive du nouveau dispositif, tel qu’il résultera de l’adoption de la Loi de Finance. Pour les actuels « clients » de l'Anah, ceux qui bénéficient du programme « Habiter Mieux Agilité », l'Anah versera directement la prime. Pour les autres ménages, ils toucheront le même montant mais par le mécanisme du crédit d’impôt. En 2021, tous les ménages seront traités directement par l'Anah.