Il y a un an, nous avions interrogé Philippe Guerder, directeur général de Profialis afin de détailler avec lui la décision du groupe de centraliser l’extrusion de ses gammes dédiées au marché français sur son site de Clerval (25).
Douze mois se sont écoulés depuis cette “relocalisation”, l’heure pour le patron de Profialis, de faire un premier bilan et évoquer les projets de l’extrudeur franc-comtois.
Rappelons qu’au premier semestre 2015, Profialis avait fermé son usine belge d’Oeselgem dont les 32 lignes d’extrusion produisaient 10 000 tonnes par an avec 6 000 tonnes spécifiquement pour le marché français.
Verre & Protections a visité l’usine de Clerval et réalisé une interview croisée de Philippe Guerder, directeur général et de Sylvain Gaudard, responsable de la communication de Profialis.

Verre & Protections : Depuis votre annonce, il y a un an, comment s’est passé le déménagement d’Oeselgem à Clerval ?

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Philippe Guerder

Philippe Guerder : « L’activité d’extrusion a cessé en juin 2015 sur notre ancien site belge. Pendant trois mois ce sont près de 140 outils et une douzaine d’extrudeuses qui ont été transférés puis sont entrés en production à Clerval. Un stock tampon a également été prévu pour assurer la continuité de service vis-à-vis de nos clients. Sur les 138 outils transférés 133 sont entrés aujourd’hui en production sans souci majeur. Quant à nos anciens salariés belges, une très grande majorité a rapidement retrouvé l’emploi grâce à leur technicité et à une expertise certaine, le contexte de l’emploi étant très différent dans les Flandres Belges par rapport à ce que nous connaissons en France. Nous avons toutefois étoffé nos équipes puisqu’en l’espace de quelques mois notre site de Clerval est passé de 150 à plus de 210 salariés ou équivalents, essentiellement en production, finition et logistique ».

Ce réaménagement industriel a-t-il eu des effets immédiats sur votre activité ?

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Sylvain Gaudard

Sylvain Gaudard : « Malgré notre réorganisation et un marché de la fenêtre PVC qui poursuit sa baisse (-2.2 %), nous avons fini l’année 2015 avec un résultat positif, un volume en croissance de plus de 5 % et la satisfaction de voir la part de marché de Profialis augmenter pour la troisième année consécutive avec plus de 11 % des menuiseries fabriquées en France soit l’équivalent de plus de ½ million de fenêtres !
En 2015, nous avons mené de front notre réorganisation, les modifications induites sur notre site et un redémarrage marqué du marché (augmentation de la couleur de plus 20 % sur les couleurs sur stock et des volumes multipliés par quatre sur les couleurs “à la demande”). Ce fut une année mouvementée pour Profialis comme pour nos clients…
Nous espérions une année 2016 plus sereine et tournée vers l’avenir mais le déroulement du premier trimestre nous confirme que nous n’en avons pas fini avec la volatilité du marché et des retournements de tendance brutaux. Quoi qu’il en soit, nous comptons encore accroître nos parts de marché en 2016 et tablons sur une progression de CA de l’ordre de 5 %. »

Vous nous aviez indiqués, il y a un an vouloir faire en sorte que Profialis puisse “faire entendre sa petite voix” ? Pourquoi ce besoin de vous faire entendre ?
Philippe Guerder : « Nous sommes conscients qu’il nous faut aujourd’hui mettre en œuvre d’autres pratiques que celles de nos concurrents de l’aluminium, faute de moyens similaires, et de celles de nos concurrents du PVC Européens car nos intérêts peuvent diverger ».

Est-ce à cause de cette divergence d’intérêts que vous dénoncez que vous axez votre communication sur le “fabriqué en France” ?
Philippe Guerder : « Absolument. Parce qu’au-delà de l’activité de Profialis, c’est toute une économie de proximité que nous défendons, celle de nos clients qui produisent en France et celle des industriels qui font le choix de rester fidèle à un territoire. Je vous rappelle que la menuiserie est le seul marché de consommation courante pour lequel le produit le plus accessible financièrement, la menuiserie PVC, est aussi le plus performant techniquement et écologiquement, tout en proposant des choix esthétiques au moins aussi larges que ces concurrents. Et il nous semble logique que ce produit soit fabriqué au plus proche de l’endroit où il sera posé ».

C’est uniquement pour ces motifs que vous avez relocalisé toute votre extrusion en France l’année dernière ?
Sylvain Gaudard : « Philippe Guerder a employé le mot “logique” qui convient le mieux à nos démarches. Le marché français est en effet un marché particulier où les contraintes régionales sont fortes et sur lequel l’application d’une solution pratiquée à l’autre bout de l’Europe n’est pas forcément pertinente : c’est cette proximité et cette cohérence avec notre marché d’origine que nous voulons mettre en avant. Il serait d’ailleurs plus judicieux de parler de logiques plutôt que d’une logique ! »

Quelles sont donc ces différentes logiques ?
Sylvain Gaudard : « Au sein de ce que j’appellerais une “convergence de logiques”, il y a en premier lieu une “logique technique” avec un produit adapté car conçu au cœur de son marché de destination. Vient ensuite une “logique environnementale” avec un produit qui est le seul à s’inscrire dans une démarche strictement circulaire, une production au cœur de notre marché de destination et des produits dont les performances thermiques sont reconnues. Et bien entendu, il y a également une logique culturelle avec une écoute et une réelle prise en compte des besoins de nos clients ».

N’y avait-il pas également une “logique économique” à l’époque avec une surcapacité de vos deux sites ?
Philippe Guerder : « Effectivement, il y a un an, les prévisions de marché pessimistes nous ont obligés à prendre une décision vitale pour l’avenir de la société en faisant en sorte que l’activité se poursuive alors que nos deux usines d’extrusion ne fonctionnaient qu’à moitié de leurs capacités. Malgré une faible mais constante progression de Profialis en termes de parts de marché, nous avions à faire face à une activité durablement ralentie qui menaçait l’existence même de la société. Nous avons donc consacré 2015 à faire en sorte de pouvoir compter sur des bases solides et cette “logique économique” comme vous l’appelez nous a ensuite permis de pleinement nous consacrer au développement de notre outil industriel et à notre offre produit »
Sylvain Gaudard : « Je rajouterais que cette stratégie produit consiste pour nous de rester fidèle à notre cœur d’activité, à savoir la menuiserie et la fermeture, tout en élargissant notre offre avec des gammes originales mais complémentaires. Notre expérience du compoundage nous permet aussi de disposer d’une autre source d’innovation : celle que nous offre la recherche sur les matières premières ».

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Revenons à l’usine de Clerval elle-même. La considérez-vous comme une usine agrandie ou est-ce à vos yeux un site avec une identité nouvelle ?
Philippe Guerder : « Nous renouons aujourd’hui avec ce que nous étions initialement : une PME française avec le marché français comme attache et comme priorité. Je dois avouer que la satisfaction d’avoir fait ce qui devait l’être est un vrai avantage : nous parlons d’un projet que nous avons mené à terme et pas de quelque chose d’hypothétique. Cette décision était essentielle et l’adaptation de notre structure nous distingue actuellement de nos concurrents. À ce jour, nous sommes en passe de retrouver ce qui a toujours fait notre force : la qualité, le taux de service, la souplesse et des produits pertinents et cohérents par rapport à nos marchés. L’assainissement de nos fondamentaux financiers nous permet aujourd’hui de nous projeter vers l’avenir avec des capacités d’investissement retrouvées tant sur le plan de l’outil de production qu’au niveau des produits. Sur le plan de l’outil industriel, notre atelier d’extrusion, qui a été partiellement renouvelé, dispose des capacités suffisantes pour amortir un surcroît d’activité, nous travaillons à faire en sorte que l’intégralité de nos parachèvements (en particulier la plaxage) soit faite au plus proche de la chaîne logistique ».
Sylvain Gaudard : « Sur le plan des produits, nous menons de front plusieurs développements avec de vraies innovations sur nos chœurs de gamme sans s’interdire d’explorer des domaines connexes mais plus originaux. »

Vous avez indiqué précédemment que vous aviez bénéficié d’une augmentation de la couleur de plus 20 %. N’est-ce pas une croissance qui vient contredire le défenseur du PCV blanc que vous êtes ?
Philippe Guerder : « Avant de défendre le PVC blanc nous défendons avant tout le PVC français ! Et ce, au travers de deux axes majeurs : remettre l’alu à sa place et affirmer la pertinence du PVC blanc. La dernière étude TBC est criante par rapport à ce premier sujet : 2015 a confirmé les tendances identifiées en 2014 et que nous soulevions déjà dans vos colonnes (lire également Verre & Protections n°85, page 51). Aujourd’hui la majorité des menuiseries PVC ont un Uw compris entre 1.2 et 1,4 W/(m².K) alors que plus de 85 % des menuiseries alu présentent un Uw supérieur à 1,4 W/(m².K). Les applications thermiques extrêmes sont encore plus parlantes : les menuiseries au Uw inférieur à 1,2 W/(m².K) représentent 9.2 % des menuiseries PVC alors qu’elles ne pèsent que 2.5 % des menuiseries alu (et ce chiffre est en baisse de plus de 26 % par rapport à 2014 !). Nous espérons que le marché redonne sa vraie place à l’alu : celle de l’excellence esthétique, celle des baies de grandes dimensions, celle des chantiers d’exception où la performance thermique est un critère encore moins déterminant que le réalisme économique. Le marché doit comprendre que la justesse technique, économique et écologique est du côté du PVC. L’avenir de l’alu se trouve dans des applications mixtes qui sauraient tirer avantages de ces qualités : sa robustesse et sa capacité à gérer la couleur ».
Sylvain Gaudard : « Concernant le PVC blanc que nous défendons ardemment, notre position n’est bien évidemment pas de dénigrer la couleur : la demande est réelle et d’autant plus importante que nous traversions une période de marché en berne où toutes les réponses, même les plus originales, doivent être apportées à nos clients. La demande en couleur progresse, mais elle ne doit pas faire oublier ce qui fait la force du PVC : sa performance technique, industrielle et économique. Les 83 % de fenêtres PVC blanches du marché en sont la preuve et nous le mesurons au niveau de Profialis ». Propos recueillis par Frédéric Taddeï